Dans la perspective de la conférence intergouvernementale sur le climat, la COP21, qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochains, le Sénat a souhaité rassembler et faire connaître les bonnes pratiques des territoires en matière de lutte contre le changement climatique. Intitulé “les collectivités territoriales s’engagent pour le climat”, le rapport d’information fraîchement remis par les huit corapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel (UDI–Haut-Rhin), prend la mesure des réalisations concrètes des collectivités. Le message est clair. Quand bien même les Etats continueraient de tergiverser, les collectivités territoriales sont elles d’ores et déjà passées à l’action. Ce rôle moteur dans la transition énergétique tient essentiellement au large champ de leurs compétences, leur permettant de développer une économie innovante des déchets et du recyclage, de préserver les écosystèmes locaux, d’encourager les sources d’énergie renouvelable, d’investir dans la mobilité durable, de favoriser l’efficacité énergétique des édifices et des territoires. Les corapporteurs ont ainsi identifié, sur le terrain, un certain nombre d’initiatives exemplaires, qu’ils détaillent thème par thème.
Bâtiment et Habitat
Il s’agit tout d’abord de valoriser “l’engagement fort – et souvent ancien” des collectivités dans la rénovation thermique et la construction de bâtiments respectueux de l’environnement. Christian Favier (CRC-Val-de-Marne) met en exergue la diversité des actions menées pour lever certains freins. L’accompagnement des propriétaires pour monter un projet de travaux peut être technique et administratif, comme en Ardèche (programme “Habiter mieux en Ardèche verte”). Un tel suivi des ménages est aussi proposé en Val-de-Marne à travers une plateforme unique et des “ambassadeurs de l’énergie”. Des actions sont aussi dirigées sur les bâtiments administratifs des collectivités, les crèches, établissements scolaires et le vaste parc social de la ville de Paris. Très remarqué, l’exemple de la communauté de communes de Loches développement, en Touraine, est quant à lui axé sur le développement d’une filière matériaux biosourcés produits localement. L’éco-quartier d’Issy-les-Moulineaux fait également figure de pionnier en proposant à la fois un cadre bâti performant, un réseau de chaleur géothermique et une collecte pneumatique des déchets.
Mobilité et urbanisme durables
Mais pour intégrer très en amont les enjeux climatiques dans les documents d’urbanisme et les opérations d’aménagement, les collectivités doivent “bénéficier d’une ingénierie adaptée”, souligne la sénatrice Caroline Cayeux (Les Républicains-Oise). Le Nord-Pas-de-Calais a trouvé la solution en rédigeant, en partenariat avec les agences d’urbanisme implantées sur le territoire, un manifeste fixant des principes d’actions pour des projets d’urbanisme durable. Les démarches de planification intégrée représentent un autre levier essentiel de l’urbanisme durable. En témoigne le plan local d’urbanisme “facteur 4” de Brest Métropole qui doit son nom aux quatre documents d’urbanisme qu’il regroupe ainsi qu’à l’objectif de division par quatre des émissions d’ici à 2050. En développant, au voisinage des axes de transport, des zones denses présentant une diversité d’habitats et de fonctions -comme le fait Grenoble -, les collectivités fixent par ailleurs un cadre urbain propice aux mobilités alternatives. Sur ce volet de la mobilité, Marie-Françoise Pérol-Dumont (sénatrice PS-Haute-Vienne) plaide pour une politique intégrée “dépassant le seul domaine des transports pour embrasser tous les leviers d’action disponibles – l’urbanisme, l’aménagement, la voirie, les pouvoirs de police et la commande publique – […] en faveur de modes de déplacement sobres”. A l’appui des exemples de collectivités ayant su coordonner leurs interventions pour favoriser le report modal – en région Limousin, avec le cadencement des TER et la création de pôles d’échanges -, faire émerger des réseaux interopérables, des mobilités partagées et douces – promotion du covoiturage rural en Haute-Vienne, de l’électro-mobilité à Limoges, schéma de déploiement des bornes de charge en Bourgogne – ou une billettique intégrée comme à Mulhouse.
Biodiversité et transversalité
Autre objectif transverse irriguant l’ensemble des politiques locales, la biodiversité n’est désormais “plus portée par des actions ponctuelles, sinon confidentielles”, remarque Joël Labbé (Ecologiste-Morbihan). Les collectivités disposent “d’un panel de leviers, de surcroît peu onéreux” visant à inscrire la biodiversité dans les projets d’urbanisme et les opérations d’aménagement, via les déclinaisons de la trame verte et bleue (espace protégé du parc naturel régional du Golfe du Morbihan), à développer les stratégies transversales et les Agendas 21 locaux (commune de Saint-Nolff) ou encore à mutualiser les connaissances (agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France). Parfois, “un simple changement de pratiques suffit” : favoriser la végétalisation sous toutes ses formes (ville de Paris), y compris en cessant de recourir aux produits phytosanitaires (démarche “zéro-phyto” à Versailles).
Pédagogie et valorisation énergétique
Sur le terrain de la sensibilisation, les collectivités territoriales “sont à nouveau bien placées” pour inciter les citoyens à adopter des éco-gestes au quotidien, relève Jean-Marie Bockel. Constat particulièrement vrai dans le secteur si sensible et complexe des déchets, “où la diffusion des bonnes pratiques locales répond à une nécessité pédagogique”, souligne le rapporteur Jacques Mézard (RDSE-Cantal). Sur ce volet, les exemples innovants sont légion. Le centre multi-filières de valorisation des déchets de Villers-Saint-Paul, dans l’Oise, produit de l’électricité et fournit un réseau de chauffage. Dans le Pays de Sarrebourg, en Moselle, des communes ont fait le choix de la tarification incitative afin de maîtriser les coûts d’enfouissement des ordures ménagères résiduelles. Au centre de tri télé-opéré d’Amiens, des innovations technologiques permettent de trier les déchets sans les toucher. La commune de Lapouyade, en Gironde, abrite quant à elle un projet innovant de valorisation du biogaz issu des déchets pour chauffer des serres agricoles. Cette diversité d’exemples témoigne par ailleurs de l’importance de bien comprendre la spécificité de chaque territoire. La réussite des actions engagées en faveur de la réduction des consommations énergétiques est également “conditionnée par la réalisation du bon diagnostic sur le bon territoire”, relève Antoine Lefèvre (sénateur Les Républicains-Aisne). L’éclairage public – à l’exemple de la ville de Sainte-Adresse (Seine-Maritime) avec le déploiement d’un réseau de télégestion et d’un schéma directeur d’aménagement lumière -, la vidéosurveillance intelligente (capteurs de pollution, capteurs de voierie) – à l’image de la ville de Nice et son projet de “boulevard connecté” – sont autant d’activités qui concourent à la diminution des émissions carbonées en centre-ville.
Dans le cadre de la COP21 de Paris, deux jours seront consacrés aux collectivités : l’action day, le 5 décembre, et le city day, le 8 décembre. Auditionné par le corapporteur Michel Delebarre (SR-Nord), le porte-parole de Cités et Gouvernements Locaux Unis, Ronan Dantec, rappelle toutefois qu’un certain nombre d’Etats ne souhaitent pas la reconnaissance du rôle des collectivités dans un texte officiel. Derrière cette contradiction, souligne-t-il, se cachent des enjeux majeurs : “L’accès au financement et le soutien aux initiatives locales, y compris celles de coopération décentralisée”.