Le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 26 mars 2014 aura été discuté pendant 27 mois avant que ne soit finalement adopté le texte définitif qui ancre, malgré ses lacunes, d’importants éléments novateurs, des principes fondamentaux et des mesures concrètes tendant à une meilleure protection du vivant, tant au niveau national que local.
Les associations LPO, FNE, Humanité et biodiversité, l’ANPCEN, WWF et FNH ont fait part, dans un communiqué de presse commun, de ce qu’ils estiment être de réelles avancées de la loi :
– Principes fondateurs : la loi inscrit les nouveaux principes de non-régression du droit de l’environnement et de solidarité écologique, ainsi que l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité. Elle inscrit les paysages nocturnes dans le patrimoine commun de la Nation et reconnaît le rôle des sols et de la géodiversité dans la constitution de ce patrimoine. L’inscription du préjudice écologique dans le code civil marque de plus une avancée importante puisque l’action en justice est désormais ouverte à « toute personne ayant intérêt et qualité à agir ».
– Création au 1er janvier 2017 de l’Agence française pour la biodiversité : une création qui s’accompagne d’une ouverture aux associations environnementales, puisqu’elles seront présentes dans son Conseil d’administration.
– Protocole de Nagoya et dispositif APA : la ratification du protocole permet de lutter contre la biopiraterie. Ce texte pose également des règles en matière d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et de partage des avantages qui en découlent (dispositif APA).
– Gouvernance de l’eau : la réforme de la gouvernance des comités de bassin est inscrite dans la loi avec la création d’un collège spécifique pour les usagers non économiques.
– Obligations réelles environnementales : ces obligations réelles permettent aux propriétaires de terrains qui le souhaitent d’affirmer leur vocation écologique dans un contexte de transmission aux ayant-droits successifs.
– Interdiction des néonicotinoïdes : ils seront interdits dès 2018 et des dérogations strictes et encadrées seront possibles jusqu’en 2020 pour certaines filières pour lesquelles aucune alternative satisfaisante n’existe.
– Volet marin : la loi complète les outils de protection des milieux marins et de lutte contre les pollutions. Elle instaure des zones de conservation halieutique permettant de protéger des zones importantes pour la ressource, elle protège les mammifères marins en obligeant les navires à se munir de dispositifs anticollision, elle fait de la gestion des eaux de ballast, une préoccupation des eaux françaises et étend le statut de protection des espèces en mer.
– Autres avancées notables : parmi elles, la lutte contre la brevetabilité du vivant, le versement par les bureaux d’études de données d’observation de la biodiversité recueillies lors des études d’impact, l’affirmation de la stratégie nationale pour la biodiversité et sa déclinaison obligatoire aux stratégies régionales.
Le communiqué qualifie toutefois la loi de « rendez-vous manqué », en raison selon eux, d’un « manque de portage politique » concernant notamment :
– La pêche au chalutage en eaux profondes dont l’Europe s’est finalement saisie.
– Le refus de reconnaissance du statut d’être sensible aux animaux sauvages alors qu’il est reconnu aux animaux domestiques.
– L’absence de disposition interdisant la chasse à la glu et le déterrage des blaireaux en période de dépendance des jeunes.
– Le refus d’instaurer une taxe sur l’huile de palme. Le gouvernement s’engageant seulement à faire une proposition dans les six mois (après la dernière loi de finance du quinquennat).
– L’absence de règlementation de la mutagénèse (nouveau procédé OGM).
– La prévoyance d’un plan d’action plutôt qu’une interdiction de dragage des fonds marins en présence de récifs coralliens.
– La simple clarification du droit positif par les nouveaux « espaces de continuités écologiques » sans évolution des prescriptions des documents d’urbanisme pour lutter contre l’artificialisation des sols.
Parmi les nombreuses associations ayant fait part de leur mécontentement à la suite de l’adoption du texte définitif, l’association Pollinis déplore dans son communiqué de presse le compromis trouvé s’agissant des néonicotinoïdes. Elle estime qu’une interdiction de ces principes actifs n’avait de sens que si elle permettait la mise en place d’un véritable programme de transition vers l’agro-écologie ; or pour elle, « la loi entérine le remplacement des pesticides tueurs d’abeilles par d’autres molécules tout aussi toxiques ».
Les associations qui reconnaissent que le texte permet de passer à l’échelle réelle des enjeux de la biodiversité mettent cependant en garde pour l’avenir. Elles rappellent que la réussite de la loi et sa mise en œuvre concrète dépendent des contenus des décrets d’application, des emplois dédiés à la biodiversité et des moyens financiers qui seront réellement mobilisés. Le prochain projet de loi de finance devrait ainsi être déterminant en ce sens. Les associations appellent les pouvoirs publics à ne pas relâcher les efforts fournis autour de l’adoption de ce texte : « légiférer ne suffit pas, il faut se donner les moyens d’agir ».