Régions de France a rendu public le 16 novembre un Livre blanc qui synthétise les échanges et propositions intervenus lors d’une vingtaine d’auditions avec divers acteurs du secteur. Il permet, entre autres, “d’entrevoir l’étendue des questions d’organisation posées par l’ouverture progressive à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs”.
Trois étapes dans le processus d’ouverture sont désormais bien identifiées grâce au retour d’expérience européen (modèles suédois et allemand). “Pour la première, qui consistera pour les régions à préparer les cahiers des charges, il nous faut accéder aux données de coût et d’exploitation, sans quoi le jeu sera faussé et les opérateurs alternatifs ne proposeront pas d’offres pertinentes”, éclaire Michel Neugnot, à la tête de la commission transports de l’association d’élus. Ce vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté souligne les progrès accomplis par SNCF Réseau et Mobilités, “même si on ne nous transmet pas forcément les données qui nous sont utiles et qu’on nous oppose pour d’autres le secret industriel et commercial”.
Parmi les données nécessaires mais qui font obstacle, celles relatives aux personnels employés (liste anonymisée), aux fréquentations et recettes ou aux matériels roulants utilisés, etc. Seconde étape puis dernière étape, l’appel d’offres et l’attribution du contrat et l’exploitation effective par le nouvel opérateur – soit trois ans en tout “entre le moment où l’AOT prépare son cahier des charges et les premières circulations”.
Un paquet fiscal pour financer les infrastructures
Pour “remettre en adéquation les actions et les moyens” et leur permettre de cofinancer des infrastructures, les régions souhaitent être dotées d’un “paquet fiscal renouvelé afin d’assumer pleinement ces missions d’aménagement en lien avec l’État” et de différents leviers fiscaux “en fonction des besoins et typologies de chaque territoire”. “Parmi les leviers activables et dans ce bouquet de solutions pourraient figurer un versement transport (VT) ou une fraction régionale de la TICPE (taxe intérieure de consommation des produits énergétiques)”, précise Michel Neugnot. Les régions souhaitent aussi accompagner l’État pour identifier les conditions de mise en œuvre d’une ou plusieurs redevances régionales d’infrastructures et “porter avec lui une position commune auprès des instances européennes pour permettre une application régionale différenciée de la directive Eurovignette en cours de modification”.
Tirer une ressource des routes non concédées
Autre proposition phare du livre blanc : la volonté de reprise par les régions qui le souhaitent du réseau routier national non concédé. Un réseau qui ne représente qu’une petite partie des routes en France – 12.500 km soit 1,2% du réseau – mais qui joue, selon une évaluation réalisée par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), “un rôle stratégique avec un volume considérable de personnes et de marchandises transportées”, de grands axes structurants entre les villes et en agglomération et “nécessite d’importants investissements d’entretien et de gestion”. Aujourd’hui “en voie de dégradation” selon Régions de France, sa “pérennité n’est pas assurée à effort budgétaire constant de l’État”. Et sa reprise intéresse déjà la région Grand Est “et d’autres régions amenées à vite se manifester”. David Valence, vice-président mobilités de cette région, a confirmé le 16 novembre lors d’un colloque sur les enjeux routiers organisé notamment par le think tank TDIE et l’Institut des Routes (IDRRIM), que sa collectivité est bien candidate à une reprise de ces routes non sans lien avec la mise sur pied d’une redevance régionale d’infrastructure. “Les recettes tirées de ce réseau contribueraient à en améliorer le niveau de service”, imagine Michel Neugnot. “Sans cette nouvelle recette évaluée dans notre collectivité à 110 millions d’euros par an, un projet aussi stratégique que le grand contournement ouest de Strasbourg risque fort de tomber à l’eau”, presse David Valence.
Nouvelles prérogatives, nouvelles compétences
Les régions souhaitent aussi récupérer une compétence propre en matière de modes doux et de nouvelles mobilités “dans le respect des prérogatives des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et des communes”. Et que soient également mis à l’étude, avec l’État, un cadre général et les conditions permettant “le transfert d’infrastructures portuaires ou aéroportuaires aux régions volontaires”, ajoute ce livre blanc. La loi Notr leur ayant confié un rôle de chef de file de l’intermodalité, “nous avons des responsabilités en termes de données et d’informations multimodales”, souligne Michel Neugnot. L’idée est de ne pas se laisser doubler par les opérateurs (projet d’un entrepôt des données mobilités conduit par la SNCF, RATP, Transdev et BlaBlacar) “et de conforter la notion de service public de la donnée”. Des systèmes d’informations multimodaux à l’initiative des régions existent déjà. Reste à “renforcer la régulation de ce marché des données” et à consolider “un cadre réglementaire permettant l’interopérabilité de ces systèmes, notamment au niveau des agglomérations”.
Besoin d’un portage politique à la hauteur
Régions de France déplore la dérive de la pression fiscale sur les activités de transport conventionné. Ayant fortement contribué aux grands projets d’infrastructures, elles attendent de l’État “un portage politique, technique, juridique et financier de ces projets à la hauteur des besoins d’équipement de notre pays”. Elles attendent également le respect des engagements de l’État concernant la reprise de 18 lignes Trains d’équilibre du territoire (TET) décidée par les régions qui le souhaitent d’ici à 2019-2020.