Si la réduction des émissions de gaz à effet de serre est un objectif partagé, l’adaptation au changement climatique reste difficile à concrétiser. Pourtant certaines collectivités s’y essaient, en élaborant des scénarios pour mieux appréhender les impacts sur leur activité et leur population. Elles travaillent sur l’urbanisme et la végétalisation en ville, voire sur le repli stratégique des activités et habitations face au recul du trait de côte. Les plus exposées sont souvent les plus réactives. La région Nouvelle-Aquitaine est, dans cette logique et avec la Guadeloupe, l’une des plus avancées dans le domaine.
Penser local, agir local
La Nouvelle-Aquitaine a pris une longueur d’avance en matière de connaissance et d’expertise. Elle s’est dotée d’un comité scientifique sur le changement climatique, AcclimaTerra, qui réunit une vingtaine de scientifiques issus des milieux académiques de la région. Face à l’érosion qui grignote ses côtes, elle s’interroge sur la possibilité de reconstruire en arrière littoral. Sur les sept sites ayant le plus travaillé en France sur cet enjeu, dans le cadre d’un appel à projets national lancé dès 2012, trois sont en Aquitaine.
De formation scientifique, l’élue Françoise Coutant, vice-présidente en charge du climat et de la transition énergétique, vise des avancées concrètes dans le domaine. Et rappelle que si un cadrage national est en route, il faut qu’il soit “adaptable et pragmatique pour les territoires”. Lever les incertitudes reste essentiel, car autant les stratégies territoriales de réduction des émissions sont bien engagées, avec en ligne de mire les objectifs de la dernière loi sur la transition énergétique, autant le volet adaptation est plus flou. Non seulement parce que l’urgence n’est pas encore dans toutes les têtes mais aussi et surtout parce que les données locales concrètes ne sont pas disponibles. “Or réfléchir à l’adaptation au changement climatique au niveau national, c’est bien mais cela ne suffit pas”, pointe Jean Jouzel, conseiller au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Un plan national en vue
Le climatologue et ancien vice-président du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) participe à l’élaboration de la nouvelle stratégie nationale d’adaptation 2017-2021 : “L’accent y sera mis sur cette importance des déclinaisons territoriales. Pour un maire sur le littoral atlantique ou celui d’une commune montagnarde, les enjeux ne se posent pas de la même façon.” Il invite les régions à coopérer sur le sujet et à tenir compte des spécificités de l’outre-mer.
Cette requête se retrouve au cœur de la proposition de loi sur l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique, examinée le 1er décembre par les députés : les régions, ainsi que les communes et leurs groupements, y sont invitées à développer des stratégies territoriales, dans le respect de la stratégie nationale. “A ce stade, une chose est sûre : ce futur plan national d’adaptation 2017-2021 concernera tous les secteurs économiques. “Industrie, tourisme, agriculture, assainissement, circulation, tourisme, logement, santé ou urbanisme. Pas un secteur ne peut plus s’exempter d’une réflexion sur le sujet”, ajoute le scientifique.
Adapter la ville de demain
Comment retrouver cette réflexion dans les documents stratégiques des collectivités ? Leurs outils de planification peuvent concourir à adapter l’environnement bâti aux impacts du changement climatique. A quelques exceptions près, comme Brest Métropole, la question des îlots de chaleur urbains est par exemple peu traitée dans les documents d’urbanisme. Toulouse (projet Acclimat) et la métropole de Lyon ont aussi cartographié ces îlots. Pour l’heure, seuls les plans climat-énergie et schémas directeurs d’aménagement des eaux intègrent timidement cette contrainte de vulnérabilité. Même quand ces documents alertent, ils ne prévoient que rarement des actions concrètes évaluées, hiérarchisées et planifiées.
“Or s’adapter, c’est aussi savoir agir et anticiper. Pour aider les élus locaux, commençons par les écouter. Puis tirons des enseignements, proposons des guides sur les vulnérabilités climatiques ou des outils gratuits comme Ogeric destiné aux responsables communaux de la sécurité, des formations avec le CNFPT, etc.”, nous confiait l’an dernier Jean-Marc Chastel, directeur délégué risques, santé, énergie et climat au Cerema. Autre outil rodé : dans le parc naturel régional du golfe du Morbihan, un logiciel (Cactus) pour évaluer l’impact du changement climatique sur son aménagement et comparer les scénarios de lutte.
Ecouter et mieux se préparer
“Il faut aussi écouter les habitants. Du moins c’est ce qu’il ressort de mon expérience de maire d’une petite commune, Port-des-Barques, près de Rochefort (Charente-Maritime), qui fut très impactée par Xynthia”, témoigne Jacky Laugraud. Des habitants y ont été relocalisés et l’aménagement de la commune repensé pour que l’eau puisse en ressortir si, à nouveau, elle y pénétrait. “S’adapter, c’est aussi s’assurer et se préparer pour mieux faire face à un sinistre”, rebondit Valérie Lacroute, la députée-maire (LR) de Nemours. Cette ville de Seine-et-Marne a été très touchée par les dernières inondations. Elle se reconstruit, répare des dégâts qui se chiffrent en millions d’euros. Dans son centre, un tiers des commerçants touchés n’ont pas rouvert. “Côté assurance, le temps de l’expertise est long. Le professionnalisme pas forcément au rendez-vous. Certains assureurs sont venus de toute la France puis repartis sans nous aider. Et la garantie obtenue suite au classement en état de catastrophe naturelle a joué en notre défaveur en faisant grimper notre franchise, de 7.800 euros dans le contrat initial à 180.000 euros après le classement par l’arrêté interministériel !”, conclut l’élue.
Collectivités, pensez au PCA !
Après une catastrophe, l’activité doit redémarrer. De plus en plus de collectivités (d’entreprises aussi) se préparent à cette étape, via un plan de continuité d’activité (PCA). Exemple : Nantes métropole a choisi de s’initier au PCA avec sa direction déchets. Car en cas de crue centennale, ses deux unités de valorisation énergétique (UVE) seraient hors service. D’où l’intérêt de mettre en place un PCA pour la collecte et le traitement des déchets ménagers de l’agglomération. Une démarche à laquelle les délégataires ont été associés. Un diagnostic du territoire a été réalisé, en tenant compte du domicile des agents et des lieux de travail. Côté montée des eaux sont disponibles les données liées à une crue centennale. Le PCA intègre trois scénarios. Dans le pire (dit “scénario majorant”), la collecte se fait en mode dégradé, par secteurs, et les deux UVE sont inaccessibles. La collectivité, dotée en points d’apport volontaire, a aussi anticipé leur inondation. Dans le cadre du Plan Loire, l’établissement public Loire (EPTB Loire) a par ailleurs accompagné de son côté une quinzaine de collectivités dans la construction de leur PCA. La continuité d’activité d’un centre de gestion des barrages a été renforcée.