Le Conseil d’État autorise la DSP multiservice

Dans un arrêt du 21 septembre, le Conseil d’État ouvre la voie aux délégations de service public à objets multiples. Eric Mourot, juriste d'Espelia nous présente les bénéfices et les inconvénients de cette décision inattendue.

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de la décision du Conseil d’Etat ?

La réglementation semblait préciser que la DSP était la délégation d’un seul service public et les acheteurs publics considéraient donc qu’il était impossible de lancer des DSP sur plusieurs services. Impossible jusqu’à l’arrêt du Conseil d’État (CE) du 21 septembre 2016, traitant d’une affaire entre la Communauté urbaine du Grand Dijon et l’entreprise Q-Park. Cette dernière contestait la validité d’une procédure de DSP qui englobait les transports urbains, le stationnement et la fourrière auto, donc trois services publics distincts au sens de la loi. Q-Park dont le métier est le stationnement était donc exclu de fait – sauf à constituer un groupement avec un opérateur de transport ce qu’il n’a pas pu faire – il a donc attaqué le contrat. De façon assez surprenante, le CE a considéré que rien n’imposait à une collectivité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts – et donnait donc raison à la collectivité en validant le principe d’une DSP multi-objets .

 

Quelles limites fixe la juridiction ?

Le CE fixe deux limites aux DSP à objets multiples. Première limite, le périmètre du contrat retenu ne doit pas être manifestement excessif – mais le juge ne définit pas jusqu’où va l’excès. Dans le cas du grand Dijon, le périmètre retenu est déjà relativement important – et n’a pas posé de problème.
Seconde limite, il n’est pas possible de « réunir des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux ». En l’espèce, les trois services dijonnais participent bien tous à la mobilité – mais le lien entre fourrière auto et transports publics est existant – mais assez ténu. C’est dire que ces limites sont assez friables.

 

Quels services pourraient être associés dans une même DSP ?

Très clairement sur les services environnementaux, s’il est possible de réunir transports, stationnement et fourrière auto, il semble tout à fait possible de réunir eau et assainissement, collecte des déchets et propreté urbaine, incinérateurs et réseau de chaleur… Cela ouvre la porte à des contrats très importants pour les délégataires et impose aux autorités délégantes de réfléchir sérieusement au périmètre des prestations de leur DSP – DSP qui ne seront plus obligatoirement limitées à l’exécution d’un seul service public.

 

Quels sont les avantages d’une DSP mutiservice ?

Jusque-là, certains services pouvaient mobiliser plusieurs services publics donc plusieurs contrats, alors que la logique technique aurait voulu qu’ils puissent éventuellement être gérés par un seul opérateur. Avec cette décision, les contrats pourront s’adapter à la logique technique et fonctionnelle des services publics. Le deuxième avantage est financier. En maîtrisant plus de prestations via une exploitation unifiée, la collectivité sera en droit d’attendre des économies d’échelles substantielles dans les propositions des candidats. Troisième avantage, l’efficience de l’action publique. La collectivité va pouvoir passer d’une gestion par contrat à une gestion globale des services, et ainsi mettre plus facilement en place ses politiques publiques.

 

Quels inconvénients voyez-vous à la DSP multiservice ?

Tout d’abord il y a un vrai sujet sur l’accessibilité de la commande publique. Dans certains cas, seul les gros opérateurs pourront répondre à des DSP multiservices. Certes, la collectivité a la faculté d’imposer la sous-traitance à des PME – mais pour une entreprise ce n’est pas la même chose d’être sous-traitant que titulaire d’un contrat. Le deuxième risque concerne la transparence financière de l’exécution des contrats. Il s’agira d’être très vigilant pour que le contrat global différencie bien les flux financiers de chaque service, ce qui ne sera pas toujours évident. Enfin, une DSP multiservice doit s’articuler avec les compétences de chaque collectivité. Ainsi, une DSP associant propreté et collecte des déchets, si elle est techniquement logique sera complexe juridiquement, car bien souvent c’est la commune qui a la compétence propreté et l’intercommunalité qui a celle sur la collecte des déchets.

 

Et du côté des délégataires, c’est tout bénéfice ?

Pour les gros opérateurs, c’est incontestablement une bonne nouvelle, car ils vont pouvoir structurer des offres globales faisant intervenir plusieurs de leurs expertises. Pour les PME et les opérateurs spécialisés dans un seul domaine, il faut commencer à réfléchir à des partenariats avec des opérateurs complémentaires – afin d’anticiper les futurs appels d’offres sur des DSP multiservices.

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