Trois maires FN (le sénateur-maire de Fréjus David Rachline, le maire de Cogolin, Marc Étienne Lansade et la maire du Luc-en-Provence, Patricia Zirilli) qui annoncent leur départ de l’AMF parce qu’ils ne sont pas d’accord avec un passage du vade-mecum sur les crèches, Hervé Mariton, député de la Drôme et Philippe Gosselin lançant une pétition pour dénoncer la “laïcité dévoyée”, Xavier Lemoine, maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) accusant l’AMF dans une interview à Famille chrétienne de “laïcisme forcené” et de “favorise[r] les divisions de la population”, sans oublier Florian Philippot, eurodéputé FN, qui en rajoute une couche sur l’antenne de RFI : “Après les attentats, première mesure de Monsieur Baroin, UMP (sic), interdire les crèches de Noël dans les mairies”… Le tout, quelques jours à peine après les attentats de Paris et de Saint-Denis. Amis de la décence…
Ne pas faire semblant de confondre préconisation et interdiction
Donc, un point de cristallisation : les crèches de Noël ! Oui, les revoilà ! Notez, c’est le marronnier de saison pour les journalistes, normal la dinde et les dindons de la farce ne sont pas loin. Le sujet est donc trop bon pour certains de nos confrères qui font monter une sauce, émulsionnent l’écume avant, semble-t-il, de mettre le nez dans le fameux vade-mecum. S’ils l’avaient ouvert puis lu, enfin s’ils avaient lu le passage consacré aux crèches, ils auraient pu constater que d’interdiction il n’y avait point de la part de l’AMF. D’ailleurs, pour info : l’association, via son président, François Baroin, n’a pas le pouvoir d’interdire quoique ce soit aux maires de France. S’il y a certes une problématique sur le sujet, elle vient des tribunaux administratifs qui, deux exemples (cours administratives d’appel de Nantes et de Paris) l’ont récemment démontré, sont capables de rendre deux décisions contradictoires.
Ci-dessous, le texte du vade-mecum de l’AMF
Pour toutes ces raisons, l’AMF a tenu, dans un communiqué, à faire une mise au point qui commence par ces mots : “Il y a un an, lors de son 97e Congrès, l’AMF décidait de créer un groupe de travail sur la laïcité afin de répondre aux nombreuses interrogations de maires confrontés, au quotidien, aux difficultés concrètes de mise en œuvre de ce principe constitutionnel. Les événements dramatiques de janvier dernier ont donné un relief particulier à cette démarche. Les travaux de ce groupe composé d’élus de toutes tendances et représentatifs de la diversité des situations locales se sont fondés sur l’analyse du droit, de la jurisprudence et de la pratique. Ils ont notamment été alimentés par de nombreuses auditions et contributions ainsi que par les retours d’expériences des maires sur le terrain, tant sur les difficultés rencontrées que sur les initiatives locales mises en œuvre. Ces auditions ont permis d’entendre aussi bien des représentants des principaux cultes (catholique, protestant, juif et musulman), des intellectuels spécialisés sur ce sujet ainsi que les ministères concernés par les nombreuses thématiques du vade-mecum. Les associations départementales y ont très utilement contribué. Les instances paritaires de l’AMF en ont validé les orientations en juin dernier à l’unanimité, après un échange approfondi et méticuleux, et ces travaux ont fait l’objet d’une communication à la presse dès le 24 juin dernier. “
Alors pourquoi revenir sur ce qui avait été approuvé il y a près de six mois. Régionales ?…
Le Conseil d’État saisi sur certains points
De plus, si tous ceux qui parlent, commentent et interprètent ce vade-mecum avaient pris la peine d’en parcourir les 36 pages, ils se seraient rendu compte qu’il n’a évidemment aucune valeur contraignante, chaque conseil municipal étant libre de ses choix. Comme le précise François Baroin : “Il [le vade-mecum] rappelle plus généralement l’attachement de l’AMF à la Loi de 1905, ne remet pas en cause le régime concordataire et prend en compte les traditions historiques ou culturelles de nos territoires. (…) Sur plusieurs points comme le financement des associations, les sorties scolaires, l’égalité fille-garçon, les écoles privées hors contrat, la communautarisation de certains clubs sportifs, la neutralité des agents et des bâtiments publics, la mise à disposition de salles communales, etc… l’AMF a détecté des imprécisions légales et/ou des jurisprudences récentes contradictoires qui l’ont conduite à saisir les ministres concernés début juillet pour des clarifications. Le Conseil d’État est d’ailleurs saisi sur certains de ces points et les réponses de stabilisation juridique nécessaire sont attendues.”
Enfin, concernant le point précis des crèches, l’AMF “réaffirme la nécessité d’appliquer la règle définie à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 qui proscrit “tout signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit”. À cet égard, “la présence de crèches de Noël dans l’enceinte des mairies n’est, du point de vue de l’AMF, pas compatible avec la laïcité.” Elle relève toutefois que la jurisprudence administrative est, encore à ce jour, discordante sur ce sujet. C’est pour cette raison que l’AMF a interpellé le ministre de l’Intérieur (le 1er juillet 2015) sur l’hétérogénéité actuelle des jurisprudences qui nuit à la compréhension de la règle par les élus et les citoyens. En effet, à 5 jours d’intervalle en octobre 2015, soit il y a un mois à peine, deux Cours administratives d’appel ont jugé de manière opposée cette pratique, considérée comme cultuelle ou culturelle selon le cas ! Ces deux arrêts ont fait l’objet de pourvois en cassation devant le Conseil d’État qui devra donc se prononcer.
Enfin, pour tous ceux qui l’auraient un peu oublié, rappelons qu’aux termes de l’article 1er de la Constitution de 1958, La France est une République laïque. En 2004, le Conseil constitutionnel a précisé le sens de cet article en affirmant que ces dispositions interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
Et pour tous ceux qui voudraient relire la loi de 1905, il suffit de cliquer ici.