Chef d’entreprise dans le secteur agroalimentaire (« La Conserverie du Sud ») après avoir été membre du cabinet ministériel de Renaud Dutreil de 2005 à 2007, Clément Menet, 41 ans, est depuis 2014 maire (Horizons) de Vic-en-Bigorre, commune de 4800 habitants située dans le département des Hautes-Pyrénées. S’inquiétant de l’abandon partiel de la ruralité française par les pouvoirs publics, il pousse ici un cri d’alarme avant qu’il ne soit trop tard pour nos campagnes.
Propos recueillis par Jérôme Besnard.
Journal des Communes : Dans une tribune publiée dans Le Figaro, vous avez appelé à la création d’un ministère de la ruralité. pouvez-vous nous en résumer les raisons ?
Clément Menet : Il est aujourd’hui nécessaire que la ruralité devienne une priorité nationale et, pour cela, il faut qu’elle devienne un paramètre pris en compte dans l’ensemble de nos politiques publiques, comme nous l’avons fait pour le paramètre environnemental. Je crois que cela passe par la création d’un ministère de la ruralité transversal, qui aurait vocation à vérifier ce principe auprès de tous les autres ministères: éducation, intérieur, logement, transports, santé, etc.
JDC : Nos campagnes ont-elles réellement été laissées pour compte depuis quatre décennies au profit de la politique de la Ville ?
CM : La réalité n’est jamais toute blanche ou toute noire et il y a eu des politiques publiques pertinentes en faveur de la ruralité: les maisons France services, la création de nouvelles brigades de gendarmerie ou le programme petites villes de demain par exemple. Mais ces actions sont sans commune mesure avec les montants consacrés à la politique de la ville. Le déséquilibre est flagrant, et personne ne peut le nier puisque la politique de la ville a clairement été affichée comme une grande priorité nationale. Il faut désormais repenser nos priorités et rééquilibrer les choses.
JDC : Le géographe Christophe Guilluy a-t-il raison de parler de France périphérique à propos de la ruralité ?
CM: Ce que j’appelle ruralité, c’est en effet la France des sous-préfectures, c’est-à-dire celle des campagnes et des bourgs-centre. Elle n’est pas réduite aux champs, aux forêts et aux montagnes. C’est en effet la France périphérique décrite par Christophe Guilluy, hors villes moyennes. Et je partage ses analyses quant aux difficultés économiques, sociales et culturelles qu’elle rencontre, la fracture qui la sépare des métropoles.
JDC : Le général de Gaulle concevait dans les années 1960 I’aménagement du territoire comme le socle nécessaire à une politique industrielle digne de ce nom. Partagez-vous cet avis ?
CM : Oui, je suis persuadé que la renaissance industrielle de la France passera par une politique volontariste d’aménagement du territoire et de développement industriel dans les territoires ruraux, pour des raisons foncières, d’efficacité économique, de bassins d’emplois, de compétitivité, etc. Comme patron d’une PME de l’agroalimentaire située en zone rurale, je mesure cette nécessité et ce potentiel immense.
Les élites parisiennes ne connaissent pas nos difficultés quotidiennes.
JDC : Comme maire d’une commune appartenant à la ruralité, êtes-vous confronté à des conflits de voisinage impliquant de nouveaux habitants venus de grandes villes ? Comment les gérez-vous le cas échéant ?
CM : Dans ma commune, à Vic-en-Bigorre, ça n’est pas encore le cas, ou très marginalement et cela ne génère pas de conflit. Mais je crois qu’il faut être très prudent quant à l’idée de répartir les populations nouvellement immigrées dans les territoires ruraux si c’est à cela que vous faites allusion. Car si l’on vit dans l’anonymat en grande ville, on vit avec son voisinage dans la ruralité, un voisinage qui se construit dans le temps, qui s’apprivoise. On ne se choisit pas nécessairement, mais on vit ensemble, selon les traditions et les usages locaux. On peut intégrer a ces voisinages des individus, avec du temps et de la volonté, mais beaucoup plus difficilement des groupes.
JDC : Les élites parisiennes qu’il vous arrive de fréquenter comprennent-elles, selon vous, les difficultés quotidiennes rencontrées par les habitants des territoires ruraux ?
CM : Globalement non, les élites parisiennes que je crois assez bien connaître, ne connaissent pas concrètement les difficultés quotidiennes rencontrées parles habitants des territoires ruraux. Un monde les sépare. Mais contrairement à «l’avant Gilets jaunes », elles ne les nient plus et souhaitent, pour une partie d’entre elles, les comprendre et y remédier. Il me semble qu’elles sont désormais prêtes à soutenir une politique volontariste en faveur de la ruralité, qu’elles en sentent la nécessité.