Les difficultés d’accès à la mobilité sont un frein à l’emploi. C’est, pour faire court, tout le propos du Laboratoire de la mobilité inclusive. Les 4es rencontres organisées mi-janvier à Paris par cette instance hybride – créée par Total avec l’association Wimoov (anciennement Voiture & co, pionnier du covoiturage), et qui fédère aujourd’hui seize acteurs, privés, publics et issus de la société civile – ont réuni près de 300 personnes. Dont des élus locaux, maires et parlementaires, ainsi que des experts et représentants d’opérateurs de transports. “Notre but est d’éveiller les consciences sur l’importance de développer une mobilité inclusive et de sensibiliser davantage les élus et autorités organisatrices. La mobilité est une compétence. Tout le monde ne maîtrise pas ses codes”, souligne Manoelle Lepoutre, directrice Engagement et société civile du groupe Total. A ses côtés, Florence Gilbert, qui représente Wimoov et préside ce laboratoire devenu une fondation, ajoute que la mobilité inclusive doit donc apporter des solutions contre l’exclusion sociale et professionnelle. Et que la loi NOTRe, en validant le transfert des compétences transport des départements vers les régions, offre désormais un bon cadre pour « hisser l’enjeu au cœur des politiques régionales ».
Travailler avec les collectivités
Pour progresser, encore faut-il combattre les obstacles aux déplacements. Pour en traiter, les groupes de travail de cette fondation travaillent de près avec des collectivités locales comme la communauté d’agglomération havraise (Codah). Des actions concrètes émergent aussi dans des villes comme Tarbes (achat solidaire de voitures) ou Le Mans (plate-forme orientant vers une auto-école, des garages solidaires). « Nous proposons une aide concrète, Wimoov anime une vingtaine de plateformes de mobilité destinées à un public précaire. Nous facilitons l’accès à des services de covoiturage qui se créent, prêtons des véhicules, faisons du suivi individualisé, de la formation, travaillons avec des départements pour proposer la location de leur flotte peu utilisée à des chercheurs d’emploi », liste Florence Gilbert.
Du côté de la gouvernance et de l’organisation des transports publics, Olivier Faure, député socialiste de Seine-et-Marne et président du haut comité de la qualité des services dans les transports, a suggéré durant ces rencontres l’idée de “réfléchir à intégrer cet enjeu dans les contrats de délégation de services publics”. “Multiplions les innovations sociales, en la matière la créativité des associations est inépuisable”, a ajouté Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Le maire d’une petite commune de Seine-et-Marne, Trilport, est aussi venu témoigner des difficultés de la mobilité péri-urbaine, de la question de l’exclusion qu’elle sous-tend, et de la nécessité de développer le transport à la demande. D’autres maires ont rappelé que dans leurs communes, aucune offre de transports n’existe tout bonnement.
Cibler les obstacles
En parallèle, deux études améliorent la connaissance de ces obstacles aux déplacements. La première, entamée depuis deux ans sur la mobilité périurbaine, a été présentée durant ces rencontres par le think tank The Shift Project. Elle propose des mesures favorisant la réduction des émissions carbonées liées à la mobilité dans ces zones de moyenne densité. Et fait le point sur des solutions alternatives comme le développement du vélo.
Lors de ces rencontres sont aussi intervenus, à l’appui de cette réflexion, les experts d’un établissement public qui mobilise une partie de ses effectifs à l’étude de la mobilité, le Cerema. L’établissement travaille en étroite proximité avec les collectivités et estime que la marche et le vélo ont un fort potentiel de développement en milieu rural. Et que dans ces territoires, plus de 20% des déplacements se pratiquent déjà à pied.
La seconde étude, dévoilée en amont de ces rencontres, consiste en une enquête en ligne réalisée début décembre 2016 par l’institut Elabe auprès d’un échantillon de 1.003 personnes. Elle confirme que les déplacements quotidiens représentent une expérience difficile pour plus de quatre Français sur dix. Les usagers des TER sont les plus affectés – 74% d’entre eux disent rencontrer des difficultés “de temps en temps” – talonnés de près par les habitués du métro ou du RER (66%). Faut-il voir le verre à moitié plein ou à moitié vide ? 60% des sondés estiment disposer d’un accès facile et rapide aux réseaux de transport local (car, bus métro, tramway). Et donc quatre Français sur dix estiment au contraire ne pas en disposer.
La fracture territoriale est toujours à l’œuvre : les habitants de la région parisienne et des villes de plus de 100.000 habitants considèrent, pour les trois quarts d’entre eux, que les moyens de transport sont suffisamment développés dans leur zone d’habitation. Dans les communes rurales, ils sont 77% à estimer que c’est le contraire, et 62% dans les communes de 2.000 à 20.000 habitants. La fracture s’accentue avec les nouvelles mobilités et l’offre dérégulée (covoiturage, autopartage, location de voitures entre particuliers) : dans les communes rurales, 73% des habitants estiment ne pas avoir un accès simple à ces dispositifs pourtant en plein essor. Enfin, dernier enseignement : près d’un Français sur quatre (23%) dit avoir déjà refusé un travail ou une formation faute de moyen de transport pour s’y rendre.