Le contexte que nous connaissons tous a conduit le président de la République à préparer un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire visant à s’attaquer à la racine de la défiance de l’opinion, qui demande des garanties sur l’intégrité de ceux qui exercent des responsabilités politiques, et une plus grande efficacité dans la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale.
Ces nouvelles dispositions qui seront présentées le 11 avril aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’aux représentants des groupes politiques de l’Assemblée nationale, visent “à instaurer davantage d’obligations de transparence pour les responsables politiques et les plus hauts responsables administratifs, sous le contrôle d’une autorité administrative indépendante, et à renforcer l’efficacité de la lutte contre la grande délinquance économique et financière, et notamment contre les paradis fiscaux.“
Une Haute autorité de contrôle et des sanctions pénales
Premier point présenté par François Hollande : le renforcement des obligations de transparence, sous le contrôle d’une Haute autorité. Cette autorité administrative indépendante sera présidée par une personnalité nommée en Conseil des ministres, après avis du Parlement selon la procédure de l’article 13 de la Constitution, et composée de six membres issus du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.
Les principaux responsables politiques et administratifs devront lui transmettre une déclaration de patrimoine et une déclaration d’intérêts, ainsi qu’une déclaration sur l’honneur de l’exhaustivité et de la véracité des informations transmises. Le champ de cette obligation sera sensiblement élargi par rapport au droit existant : membres du Gouvernement, parlementaires nationaux et européens, membres du Conseil constitutionnel, principaux responsables exécutifs locaux, membres des autorités administratives indépendantes, collaborateurs des cabinets ministériels et du président de la République, et les titulaires d’emplois à la décision du Gouvernement nommés en Conseil des ministres et responsables des principales entreprises publiques. Les sanctions pénales en cas de non-respect de l’obligation de transmission ou d’insincérité des déclarations seront substantiellement renforcées.
La Haute autorité contrôlera le respect de ces obligations et pourra demander des éléments complémentaires aux intéressés. Elle disposera à cet effet des services fiscaux, et se verra attribuer un pouvoir d’injonction. Elle demandera en outre à l’administration fiscale une vérification de la situation fiscale de chaque ministre nouvellement nommé. Elle pourra également s’auto-saisir, et être saisie par le Premier ministre, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, et les associations agréées de lutte contre la corruption.
Les déclarations de patrimoine et d’intérêts des membres du Gouvernement et des parlementaires nationaux seront rendues publiques. Les déclarations de patrimoine feront l’objet d’un contrôle en début et en fin de mandat.
Prévenir les conflits d’intérêts
Le Gouvernement proposera au Parlement d’interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice de toute activité professionnelle, sauf exceptions mentionnées dans la loi. De manière symétrique, et dans un souci d’équité, les fonctionnaires élus au Parlement seront désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat.
Le Gouvernement proposera également aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat que le Parlement interdise le cumul des fonctions de collaborateur parlementaire avec toute activité professionnelle rémunérée de lobbying, ou de conseil, et publie la liste des collaborateurs parlementaires. D’une manière générale, le Gouvernement invite à encadrer davantage l’activité des groupes d’intérêts, et leur publicité, qui ont récemment fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires en ce sens.
Par ailleurs, il proposera de supprimer le droit à indemnité des anciens ministres.
L’ensemble de ces dispositions s’ajoutent à celles déjà annoncées lors de la communication du 13 mars 2013 présentant la stratégie du Gouvernement en matière de prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique.
Création d’un “parquet financier”
Le président de la République a confirmé sa détermination pour agir plus efficacement dans ce domaine, aux niveaux national, européen et international. Les moyens de la justice, de la police, et de l’administration fiscale pour lutter contre les fraudes fiscales les plus complexes et les réseaux de blanchiment seront renforcés.
L’effort portera sur les effectifs, avec le renfort de 50 enquêteurs de police judiciaire, soit un doublement par rapport aux effectifs actuels de la DNIFF, de 50 magistrats, et de 50 agents supplémentaires à la DGFIP pour la lutte contre la fraude fiscale.
Un parquet spécialisé ayant une compétence nationale sur les affaires de grande corruption et de grande fraude fiscale sera créé.
Un office central de lutte contre la fraude et la corruption sera institué au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Il reprendra les compétences de la division nationale des infractions financières et fiscales (DNIFF), et sera renforcé par des personnels du ministère des Finances (effectifs DGFIP renforcés, DGCCRF, et Douane), soit un total de 95 personnels environ, contre 45 aujourd’hui à la DNIFF. Les techniques spéciales d’enquête seront étendues à la lutte contre les fraudes fiscales les plus complexes et leur blanchiment, sur le modèle des dispositions prévues en matière de criminalité organisée.
De la transparence aussi pour les banques
Les banques françaises devront rendre publique chaque année la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, et pays par pays. Elles devront indiquer la nature de l’activité de chacune de ces filiales et fournir, pour chaque pays, le chiffre d’affaires, les effectifs, les résultats, les impôts payés et les aides publiques reçues. L’ensemble de ces informations seront publiques et à la disposition de tous, en particulier de la société civile et des ONG, qui en formulaient depuis longtemps la demande.
La France proposera d’étendre, toujours dans le cadre de l’Union européenne, l’obligation de transparence qu’elle impose aux banques à l’ensemble des entreprises.
L’échange automatique d’information doit devenir la règle, pour l’ensemble des éléments de revenu et de patrimoine, afin de mettre fin au secret bancaire et à la dissimulation des avoirs. La généralisation de l’échange automatique d’informations fiscales, notamment sur les comptes bancaires détenus par chaque ressortissant, constitue l’objectif prioritaire dans le cadre des travaux en cours, aussi bien à l’échelle de l’Union européenne que de l’OCDE et du G20. Avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne, la France demande d’ores et déjà que tous les pays de l’Union européenne pratiquent l’échange automatique d’informations, et proposera l’adoption au niveau de l’Union européenne de règles communes de même nature par rapport aux pays tiers, notamment la Suisse.
La France soutiendra les initiatives visant à lutter contre la planification fiscale agressive qui permet aux entreprises de s’organiser afin de réduire leur imposition, contre l’érosion des bases fiscales et le transfert des bénéfices, notamment dans le secteur de l’économie numérique. Des initiatives seront également prises pour réviser la directive anti-blanchiment, et faire progresser la transparence des personnes morales, ainsi que des entités juridiques telles que les trusts.