Évaluation des maisons de retraite : le compte à rebours a commencé

La loi de rénovation sociale du 2 janvier 2002 oblige les maisons de retraite (tout comme tout autre établissement médico-social) à s'inscrire dans une "démarche d'amélioration continue des activités et de la qualité des prestations" et impose des évaluations. 

Cette impose pour ce faire des évaluations régulières structurées en deux phases : une auto-évaluation réalisée en interne, et une évaluation par un organisme extérieur, sur la base d’items mis en place par l’Anesm. Jamel Amrouni, directeur d’Eifora*, nous en dit plus sur ces études, qui doivent être réalisées par un organisme habilité avant le 3 janvier 2015.


Vous dirigez un établissement spécialisé dans l’évaluation des établissements médico-sociaux. Où en est l’obligation d’évaluation externe faite à ces structures ?
Beaucoup reste à faire, car fin septembre 2014, l’Agence nationale d’évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux (ANESM) annonçait que 16.156 établissements et services sociaux et médico-sociaux étaient engagés dans ce processus d’évaluation (soit 66% des ESSMS devant transmettre les résultats d’une évaluation externe d’ici le 3 janvier 2015). Un tiers des établissements restent donc à évaluer avant la fin de l’année… Une tâche qui semble parfaitement irréalisable – car même si on dénombre aujourd’hui environ 1.300 organismes habilités par l’Anesm pour l’évaluation de ces établissements, seuls 600 d’entre eux semblent véritablement actifs.


Comment expliquer ce retard, alors que la loi date de 2002 et son décret d’application de 2007 ?
Le fait que l’évaluation dans les maisons de retraite se mette lentement en place s’explique par différentes raisons. Tout d’abord, le secteur n’est pas familier de la démarche de l’évaluation, souvent perçue comme une forme de contrôle. De plus, le personnel est peu formé à ces pratiques et a du mal à dégager du temps pour s’y consacrer.


Que risquent les EHPAD qui ne seraient pas en règle début 2015 ?
Ils risquent surtout de se voir refuser le renouvellement de leur autorisation d’exercice… ce qui signifie tout simplement la fermeture de l’établissement.
Mais les appels à projet et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (entre autres) sont aussi dorénavant subordonnés aux résultats de ces évaluations, qui constituent donc un véritable enjeu pour les établissements et les services du secteur social et médico-social.


En quoi consiste exactement l’évaluation qui doit être réalisée ?
 Elle comporte deux éléments distincts.  D’abord une auto-évaluation (ou évaluation interne), qui doit être réalisée tous les cinq ans. Chaque membre de l’équipe de la maison de retraite doit analyser ses activités et porter une appréciation sur les actions mises en place ainsi que sur leurs effets pour les résidents. Cette évaluation interne est participative, ce qui signifie que les résidents et leurs familles doivent y être associés. Les résultats et les projets d’amélioration résultant de cette évaluation interne conditionnent les moyens alloués par les financeurs – à savoir l’Agence régionale de santé et les Conseils généraux.
Deuxième phase : l’évaluation externe, effectuée tous les sept ans par des consultants extérieurs à l’établissement et habilités par l’Agence nationale de la qualité et de l’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux (Anesm). Ils doivent plus particulièrement se pencher sur les problématiques d’éthique, de budget et de sécurité. Ils évaluent également le respect des droits des usagers ainsi que la cohérence des actions réalisées par la maison de retraite au regard du projet de l’établissement. A l’issue de leurs travaux, ils rédigent un rapport en trois exemplaires adressés respectivement à l’ARS, au Conseil général dont dépend l’établissement et bien sûr, au commanditaire de l’évaluation.


Quel est l’impact, en coût et en durée, de ces évaluations externes ?
Selon l’Anesm, leur coût moyen s’élève à 7725.20 € TTC, pour une durée moyenne de 7,3 jours d’intervention facturés. Les deux me semblent raisonnables et justifiés.


Un petit conseil pour bien choisir son organisme d’évaluation externe ?
Le choix est épineux, car les organismes sont extrêmement variés : cela va du grand groupe au consultant indépendant. Si les premiers rassurent par leurs effectifs et leur capacité à répondre à toutes les demandes, les petits consultants proches du terrain ont souvent une compétence et une expertise technique plus poussées. De plus, aucune règle n’a été fixée quant à la manière dont les évaluations devront être effectuées.
Le principal conseil que je pourrais donner, c’est de regarder les références de l’organisme et de l’interroger sur sa méthodologie. Une évaluation ne s’improvise pas : elle nécessite une véritable méthodologie de travail qui nécessite un travail de fond en amont. De plus, pour être efficace, il faut pratiquer : préférez donc les organismes qui ont déjà de solides références à vous présenter.

 

 

* (1)  : Créée en 2014 et habilitée par l’ANESM, Eifora intervient sur quatre activités : la démarche qualité, le diagnostic performance, l’audit organisationnel et l’accompagnement/formation. Son créateur, Jamel Amrouni, a travaillé durant 30 ans dans le médico-social, d’abord en tant que soignant, puis en devenant responsable de la politique gérontologique et handicap au sein de CCA, directeur de CCAS et enfin responsable administratif d’un centre hospitalier (800 lits). Il a activement participé à la mise en application des premières conventions tripartites. En 2000, il a créé en région parisienne le 1er atelier protégé retenu dans le cadre des appels à projets dits innovants auprès du MITI.

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