Ces derniers temps, les grands corps d’inspection ou de contrôle de l’Etat ont réalisé plusieurs revues de dépenses dont les conclusions nourrissent la construction du projet de loi de finances en cours d’examen au Parlement et intéressent de prime abord les collectivités. Un rapport rendu public le 14 novembre, élaboré conjointement par l’Inspection générale de l’administration (IGA), l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), revient sur la gestion des espaces naturels sensibles (ENS) et des parcs naturels régionaux (PNR).
Sa préparation a nécessité des déplacements sur le terrain et des entretiens avec des associations d’élus comme l’Assemblée des départements de France (ADF). L’intérêt de se pencher sur le fonctionnement et les dépenses de ces sites bien distincts et ayant peu de points communs ? “Ces dépenses des collectivités liées à la gestion de ces politiques, dont elles sont les financeurs quasi exclusifs, sont mal connues et le potentiel de valorisation du patrimoine naturel qui peut être un levier de développement touristique et économique générateur de recettes n’est pas suffisamment mesuré”, relève ce rapport dans son introduction.
Budget ENS : des difficultés de collecte
La politique ENS, qui relève de la compétence des départements, est financée au moyen d’une taxe affectée, assise sur les autorisations d’urbanisme pour compenser l’artificialisation des sols : “Cette politique est mise en œuvre par la quasi-totalité des départements, et couvre environ 4.000 sites.” Problème, la gestion de la collecte de cette ressource, dont le montant total est estimé à 434 millions d’euros, souffre de difficultés notamment dues à la réorganisation des services et des interventions des collectivités territoriales. La mission pointe ainsi le “caractère erratique des perceptions de [cette taxe] par les départements” et des délais d’instruction longs (onze mois, selon la DDT d’Eure-et-Loir par exemple). Des difficultés “étroitement liées à la gestion fragmentée des instructions de demandes de permis, des liquidations et du recouvrement de la taxe”. En aval, elles se sont traduites “par des retards importants en termes de liquidation puis de reversement aux départements”, poursuit le rapport, en ajoutant que le problème est en passe d’être résolu.
Un suivi lacunaire
C’est moins le cas pour les remontées d’informations : “A défaut d’un dispositif satisfaisant à destination de l’Etat, nous avons éprouvé de grandes difficultés à obtenir des données fiables”, déplore la mission. Pire, “le caractère imprécis et incomplet des données disponibles n’a pas permis une analyse qualitative des actions conduites localement”. Ce suivi lacunaire n’est pas nouveau : à plusieurs reprises les ministres de l’environnement ont été interpellés sur le sujet. Il rend difficile les comparaisons entre départements. Néanmoins, une chose est sûre, les politiques ENS ont une assise plus solide là où la base taxable et l’activité de la construction sont dynamiques, c’est à dire dans les départements littoraux, en couronne francilienne, dans l’est Rhône-Alpes et la Garonne. Les actions financées sont très diverses et représentent en moyenne environ 3,9 millions d’euros par département (donnée de 2015).
Des excédents ne servant pas aux espaces naturels
La taxe a-t-elle permis aux départements de financer la gestion et la préemption de sites naturels ? A ce sujet, ce rapport d’inspection constate un écart de données entre l’ADF et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). “Malgré ces différences, la politique ENS a compensé en espaces naturels sensibles moins de 10% des sols artificialisés sur une période de trente ans.” Et le produit de la taxe est encore aujourd’hui “utilisé pour abonder d’autres politiques portées par les départements”. Le conseil départemental de l’Eure-et-Loir est par exemple cité pour avoir transféré “50% des recettes de la taxe vers d’autres politiques alors que ce département a un des taux de boisement les plus faibles en France”. Autre point faible, le manque de lisibilité de cette taxe d’aménagement pour les redevables. Quant aux excédents de collecte, ils tendent à abonder les budgets généraux, une pratique critiquée car “ils couvrent alors des dépenses non conformes aux emplois prévus par les textes en matière d’ENS”. La mission préconise d’imposer la pratique des budgets annexes “afin que soient objectivés ex ante les potentiels déséquilibres entre besoins et taxe, et identifiées d’éventuelles provisions destinées à financer des investissements que peut nécessiter la politique ENS”.
Les PNR ont moins de difficultés
La cinquantaine de parcs naturels régionaux (PNR) existants touchent plus de 8% de la population française, 4.300 communes et couvrent plus de 15% de la surface du territoire national. Le rapport indique qu’ils emploient “environ 2.200 personnes, que leur budget global de 188 millions d’euros en 2015 est très largement financé par les collectivités locales, principalement les régions” et des financeurs institutionnels. Organisés sous la forme de syndicats mixtes regroupant des collectivités – un statut juridique qui n’est pas sans soulever des questionnements dans ce secteur – ils résultent de longs processus de création et se caractérisent “par une gouvernance marquée par une relative lourdeur, consubstantielle à un mode d’organisation très participatif”. Leur capacité à réunir des acteurs du territoire aux avis divergents font leur force. La culture du suivi et de mesure des actions conduites y est solide : la mission ne suggère que de la retoucher et de la simplifier. Quant à leur situation financière, “elle ne laisse globalement pas apparaître de difficultés particulières, avec un niveau de dépenses maîtrisé, mais présentant certains risques liés au poids relatif important des charges fixes et à une structure de recettes reposant largement sur les contributions statutaires des membres”. La barre des 60 PNR devant être atteinte à l’horizon 2020, ce rapport alerte sur la nécessité de maîtriser la diversification de leurs activités et de ne pas s’éparpiller au risque de faire perdre aux parcs ce qui fait leur spécificité, “à savoir une forte technicité sur leurs domaines d’intervention originels”.