Devant les députés de la commission du développement durable, le 27 mars, le ministre délégué chargé des transports, Frédéric Cuvillier, a confirmé sa volonté, s’agissant de l’écotaxe poids lourds, de parvenir à “un dispositif compréhensible, économiquement responsable et efficace”. Le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, adopté par le Sénat le 12 février dernier, entend renforcer “la prise en compte du développement durable, la lutte contre les risques écologiques et la protection des salariés” dans le Code des transports. Pour répondre à cette vaste ambition, le texte aborde aussi bien les transports ferroviaires ou guidés, routiers, maritimes que le transport fluvial et l’aviation civile. Sans surprise, l’audition du ministre délégué a toutefois porté pour l’essentiel sur la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds, en particulier le nouveau système de répercussion prévu à l’article 7 du texte. Initialement prévue pour le 20 juillet 2013, l’entrée en vigueur de l’écotaxe sera différée au 1er octobre, à l’issue d’une phase d’essai menée à l’échelle nationale de juin à août. Durant cette période des travaux complémentaires doivent notamment être conduits par Ecomouv’, la société chargée de concevoir le dispositif destiné à la collecte, à l’information et au contrôle automatique de la taxe, “afin de stabiliser le dispositif”, a indiqué Frédéric Cuvillier.
Absence de dérogation
Sont concernés les poids lourds français et étrangers de 3,5 tonnes et plus circulant sur les 15.000 km de routes et d’autoroutes non concédées. Il s’agit en effet d’assujettir un type de véhicule et non l’usage qui en est fait, a insisté le ministre délégué. Le gouvernement opposera par conséquent un avis défavorable à l’ensemble des amendements prévoyant des exonérations pour certaines catégories de transporteurs. La commission des affaires économiques, qui s’est refusée à toucher aux taux, à l’affectation et à la date d’application de l’écotaxe, s’est également refusée à donner un avis favorable à un certain nombre d’exonérations, a indiqué le rapporteur Fabrice Verdier. Le groupe des écologistes a soutenu pour sa part un amendement visant à supprimer l’article 6 ter, introduit lors de la première lecture au Sénat, prévoyant d’exonérer les véhicules propriété de l’Etat ou d’une collectivité locale, affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes. Les collectivités ne doivent pas être dédouanées de leur rôle d’exemplarité mais être “acteur du changement”, a ainsi déclaré François-Michel Lambert.
Affectation des recettes
La mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds doit permettre de contribuer effectivement au financement d’infrastructures de transport alternatives à la route. Pour ce faire, le produit de la taxe doit être affecté, a insisté Frédéric Cuvillier. L’écotaxe devrait en effet dégager 1,2 milliard d’euros en année pleine, dont 800 millions versés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), près de 200 millions pour les collectivités gestionnaires du réseau routier départemental et communal et enfin 230 millions consacrés aux frais de gestion. La question du niveau de l’écotaxe a par ailleurs été abordée. Pour rappel, l’article 7 établit un mécanisme de majoration forfaitaire du prix des prestations de transport facturé au chargeur sur la base d’un taux régional. S’il convient d’avoir une “approche raisonnée des dérogations ou aménagements”, les minorations applicables aux régions dites périphériques ne seront toutefois pas remises en cause, a assuré le ministre délégué. La Bretagne et les régions dites périphériques “sont particulièrement affectées par l’application du taux interrégional dans le cas où l’itinéraire du poids lourds le conduit en dehors de sa région de chargement”, a toutefois relevé le rapporteur Fabrice Verdier. La commission des affaires économiques a par conséquent donné un avis favorable à un amendement prévoyant dans ce cas de figure “l’application successive du taux régional puis du taux interrégional unique permettant de maintenir le régime de dégrèvement partiel des régions périphériques”, a-t-il indiqué. Le calcul des taux de majoration fera l’objet d’une évaluation fine dans le cadre d’un rapport gouvernemental afin de rectifier le cas échant les mécanismes induits par la taxe, a précisé Fréderic Cuvillier. Le ministre a par ailleurs rassuré le député de Haute-Savoie Martial Saddier (UMP) sur la constitutionnalité du dispositif de majoration.
Rapport en fin d’année
Un premier bilan de la mise en œuvre de la taxe poids lourds doit en effet être établi pour l’information du Parlement. Un amendement de la commission des affaires économiques prévoit de développer le contenu du rapport ainsi prévu par l’article 7. Y seront pris en compte les difficultés engendrées par l’application de l’écotaxe et de la majoration sur les prix du transport, les éventuelles conséquences inflationnistes du dispositif ou encore les effets de la majoration sur le report modal. Par ailleurs, la commission a préconisé de repousser au 31 décembre 2014 la date de remise du rapport, “afin que l’on dispose de suffisamment de recul pour percevoir d’éventuelles difficultés et proposer des mesures correctrices”, note Fabrice Verdier.
L’audition du ministre délégué a également permis d’évoquer plus brièvement les dispositions du titre 1 intéressant les collectivités dans les transports ferroviaires. La rapporteure pour la commission du développement durable, Catherine Beaubatie, a notamment salué l’introduction au Sénat de l’article 3 bis visant à assurer la transparence des comptes des lignes TER envers les régions, avant de s’inquiéter de la pertinence du dispositif prévu pour renforcer la lutte contre les dégradations du domaine public ferroviaire et les vols. S’agissant du titre 2 relatif au transport routier, le député de l’Aisne Jean-Louis Bricout (SRC) est quant à lui intervenu sur les dispositions de l’article 5 relatives au reclassement de routes nationales ou de sections de routes nationales déclassées. Le ministre délégué a indiqué sur ce point que l’extension de la procédure de déclassement “d’office” ne concernait qu’une liste très limitative de délaissés.
Après son adoption en commission, le texte sera examiné en séance publique à l’Assemblée nationale le 10 avril.