Une instruction cosignée par les ministères de l’Environnement, de la Santé et de l’Agriculture, le 26 avril dernier, rappelle le cadre réglementaire applicable à la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts. Cette pratique représente “une ressource alternative qui peut permettre de limiter localement les prélèvements dans le milieu naturel”, relève le document.
Mais elle est également susceptible d’induire des “effets sanitaires” sur les populations potentiellement exposées aux pathogènes et aux polluants présents dans les EUT, à savoir les professionnels de l’irrigation, les consommateurs et le public fréquentant ou habitant à proximité des parcelles irriguées. Un arrêté du 2 août 2010 – modifié par un arrêté du 25 juin 2014 – encadre donc cette réutilisation pour prévenir les risques sanitaires et environnementaux.
Sont principalement concernées les stations d’épuration des collectivités traitant les eaux résiduaires urbaines (pour l’irrigation ou l’arrosage) et les installations d’assainissement non collectif de plus de 20 équivalents-habitants (pour l’irrigation).
Irrigation des cultures ou d’espaces verts (jardins publics, parcs, golfs, aires d’autoroutes, cimetières, parties communes de lotissements, ronds-points, squares, stades, etc.) font partis des usages réglementés, y compris dans l’enceinte de lieux privés. En revanche, les autres usages, notamment urbains, tels que le lavage de voiries et de véhicules ou l’usage incendie, n’entrent pas dans le champ d’application de l’arrêté.
Signalisation adaptée
Des contraintes d’usage (selon le mode d’irrigation, la nature des végétaux irrigués), de distance (protection des activités sensibles : captages d’eau, baignades, conchyliculture, etc.) et de terrain (pente) sont définies en fonction du niveau de qualité des eaux usées traitées. S’agissant des espaces verts accessibles au public, l’irrigation doit en particulier être réalisée en dehors des heures d’ouverture au public. Une signalisation explicite doit par ailleurs “prévenir le risque d’interconnexion et de contamination du réseau d’eau potable”. La présence de panneaux sur le périmètre irrigué doit également s’adapter “à la nécessité d’information locale, telle que l’accès et le niveau de fréquentation du public”. Des prescriptions techniques particulières s’appliquent en outre pour les systèmes d’irrigation ou d’arrosage par aspersion (facteur vent, zones sensibles).
Partage des responsabilités
Selon le contexte local, le porteur de projet effectuant la demande d’autorisation peut être le propriétaire ou l’exploitant de la station d’épuration (ou du traitement tertiaire) ou des parcelles à irriguer. A travers un tableau, l’instruction propose une répartition entre les acteurs impliqués des principales actions à réaliser, notamment en termes de suivi, avant et après l’établissement de l’arrêté préfectoral autorisant l’utilisation d’EUT à des fins d’irrigation.
L’exploitant de la station d’épuration s’engage notamment à réaliser et à mettre en œuvre les programmes de surveillance de la qualité des eaux usées traitées et des boues produites (dans le cas où ces dernières ne font pas l’objet d’un plan d’épandage agricole). La demande comporte les résultats d’un suivi sur six mois consécutifs. Par la suite, les niveaux de qualité sanitaire sont définis à partir des résultats du suivi périodique réalisé tous les deux ans. Le préfet peut cependant moduler les fréquences des analyses en fonction du contexte local (usages très sensibles, vastes surfaces irriguées, proximité du voisinage, modalités d’irrigation spécifiques, station sous démarche qualité, etc.). En cas de dépassement d’une valeur limite fixée par l’arrêté (EUT ou boues), l’irrigation doit être suspendue.
Réflexion en cours
Le délai de mise en conformité des installations existantes était théoriquement fixé au 4 juillet prochain (soit deux ans à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté modificatif de juin 2014). Un arrêté publié ce 24 mai vient toutefois de reporter cette obligation “au plus tard à la date du 31 décembre 2019“. Par ailleurs, la Commission européenne mène des réflexions sur cette thématique “avec comme objectif d’aboutir à une proposition d’outil commun à l’ensemble des Etats membres concernant la REUT fin 2016”. Le cadre réglementaire national pourrait ainsi évoluer afin de prendre en compte les éléments qui auront pu être validés aux niveaux européen et national (niveaux de qualité des eaux usées traitées, simplifications administratives…).