A priori la filière a beaucoup pour plaire. Pourtant, le rythme de développement des réseaux de chaleur en France ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique et la programmation pluriannuelle de l’énergie. C’est l’alerte lancée par Amorce, le réseau des collectivités et acteurs locaux spécialisé sur les questions d’énergie et de déchets. “Il faut une volonté politique forte pour développer un réseau de chaleur. Même si c’est une solution intéressante sur le long terme, elle immobilise plus d’argent que d’autres lors de l’investissement initial”, décrypte Dominique Gros, maire de Metz et premier vice-président d’Amorce.
31 millions de bâtiments
Deux études sur les réseaux de chaleur viennent de paraître. La première a été réalisée par le syndicat national des réseaux de chaleur (SNCU), en partenariat avec la fédération des services énergie environnement (Fedene). « Une étude indispensable à la réflexion des élus », estime le SNCU. Et pour cause : elle évalue précisément le potentiel de développement des réseaux de chaleur dans les territoires. Les consommations d’énergie des bâtiments résidentiels et tertiaires équipés d’un chauffage collectif ont été déterminées à l’échelle des communes, voire à plus petite échelle. Au total, les consommations de plus de 31 millions de bâtiments ont été calculées. L’étude a ensuite identifié les bâtiments potentiellement raccordables à un réseau de chaleur et les zones de voirie ayant une densité énergétique linéaire suffisante pour envisager la création ou l’extension d’un réseau de chaleur. « Avec cette étude, dans le contexte favorable de la loi sur la transition énergétique, les décideurs publics ont en main les cartes pour décider de la création, de la densification ou de l’extension des réseaux de chaleur et ainsi démultiplier la livraison de chaleur renouvelable et de récupération », défend le SNCU.
En moyenne plus compétitifs
La deuxième étude a été réalisée par Amorce. Elle porte sur la compétitivité des réseaux de chaleur en 2015. Résultat ? Le prix de vente moyen des réseaux de chaleur français est de 68,3 euros par mégawattheure hors taxes. « Avec une forte concentration autour de cette moyenne », observe Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce. La grande majorité des réseaux se situe en effet dans une fourchette comprise entre +30 % et -30 % par rapport à cette moyenne. Deuxième constat : les réseaux utilisant majoritairement les énergies renouvelables ou de récupération sont en moyenne plus compétitifs que ceux utilisant du gaz, avec ou sans cogénération.
Un débat inexistant
Si les réseaux de chaleur sont si vertueux, pourquoi la filière décroche-t-elle par rapport à la trajectoire prévue ? Le rythme moyen de développement de la chaleur renouvelable entre 2012 et 2014 est d’environ 530.000 tonnes équivalente pétrole supplémentaires par an (tep/an). Mais il en faudrait 740.000 pour atteindre les objectifs français à l’horizon 2030, selon Amorce. « Les investissements dans les réseaux de chaleur sont des décisions hautement politiques et complexes à prendre sur un sujet rarement mis en débat », analyse le maire de Metz. « Les réseaux de chaleur sont des exemples concrets d’une approche locale et circulaire qui échappe à la logique centralisée française. Il faut faire appel aux entreprises locales pour poser le réseau, consommer des ressources locales… C’est une révolution culturelle ! »
Une aide au fonctionnement
Pour faciliter le passage à l’acte des élus locaux, Amorce fait plusieurs propositions. Par exemple, accorder un crédit d’impôt pour le raccordement à un réseau de chaleur. Autre sujet : le Fonds chaleur, aujourd’hui trop bas pour soutenir suffisamment de projets. A défaut de l’augmenter, comme Amorce le réclame depuis des mois, l’association suggère de le compléter par un autre dispositif de financement, qui soutiendrait le fonctionnement du réseau plutôt que l’investissement initial. La hausse prévue de la contribution climat-énergie est également trop lente pour favoriser les réseaux de chaleur par rapport aux énergies fossiles, juge Amorce. Enfin, l’association propose au gouvernement de lancer un appel à projets intitulé « une ville, un réseau ». L’idée est d’inciter au développement de nouveaux réseaux de chaleur, en particulier dans les villes qui n’en disposent pas encore. Pour cela, les lauréats pourraient bénéficier d’une aide financière pour les études de faisabilité. Reste à savoir si le gouvernement – ou celui qui lui succèdera au printemps 2017 – entendra ces propositions