Démocratisation du dialogue environnemental : l’ordonnance en consultation

Haute Autorité de la participation citoyenne, nouvelle procédure de concertation préalable, droit d'initiative citoyenne, dématérialisation de l'enquête publique... : le projet d'ordonnance relatif à la démocratisation du dialogue environnemental, mis en consultation jusqu'au 18 juillet, tiendra-t-il dans la pratique toutes ses promesses ?

Le Ministère de l’Environnement vient de mettre en consultation le projet d’ordonnance relatif à la démocratisation du dialogue environnemental préparé en application de la loi Macron du 6 août 2015, concrétisant les propositions formulées par la commission spécialisée présidée par le sénateur Alain Richard dans son rapport remis le 3 juin 2015. Cet important chantier sur la démocratie participative fait également suite aux déclarations du président de la République lors de la troisième conférence environnementale, appelant à la recherche de nouveaux modes d’association des citoyens au processus décisionnel, un mois après le drame de Sivens.
Ce projet introduit au livre premier du code de l’environnement un chapitre préalable définissant les objectifs de la participation du public aux décisions ayant un impact sur l’environnement. Un nouvel article L. 120-1 liste ainsi les droits conférés au public : droit d’accéder aux informations pertinentes, de demander la mise en œuvre d’une procédure de participation préalable, de bénéficier de délais suffisants pour formuler des observations ou propositions ou encore droit d’être informé de la manière dont ont été prises en compte ces contributions.

 

Haute Autorité de la participation citoyenne

En amont du processus décisionnel, le texte élargit notamment le champ du débat public aux plans et programmes de niveau national (L. 121-8-1). Les attributions de la Commission nationale du débat public – rebaptisée Haute autorité de la participation citoyenne avec le statut d’autorité administrative indépendante – sont elles aussi élargies, notamment en matière de conciliation entre les parties prenantes (L.121-2). La Haute Autorité est saisie de tous les projets d’aménagement ou d’équipement de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées ayant un impact significatif sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Il s’agit des projets “qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel”, tel qu’il peut être évalué lors de la phase d’élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils qui seront fixés par décret.
Pour les autres projets – notamment ceux dont le coût prévisionnel est inférieur au seuil fixé -, la Haute Autorité peut être saisie par 10.000 citoyens, dix parlementaires, un conseil régional, départemental ou municipal ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) territorialement intéressé, ou encore une association agréée. Celle-ci peut également être saisie par soixante députés ou soixante sénateurs, ou 500.000 citoyens, en vue de l’organisation d’un débat public national “sur un projet de réforme relatif à une politique publique ayant un impact important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire”.

 

Concertation préalable hors du champ du débat public

L’ordonnance prévoit par ailleurs une nouvelle procédure de “concertation préalable” facultative pour les plans, programmes et projets hors du champ du débat public (L. 121-16 et suivants). Le porteur du projet, plan ou programme peut de sa propre initiative ou sur demande du préfet organiser librement une telle concertation, sous réserve de respecter un certain nombre d’obligations minimales en termes de durée, de compte-rendu et de publicité. Une telle concertation peut également être organisée sous l’égide d’un tiers garant désigné par la Haute Autorité (L.121-1-1).
Un droit d’initiative citoyen est créé permettant à une frange des électeurs, à des associations ou à des collectivités (conseil régional, départemental ou municipal ou organe délibérant d’un EPCI) de demander l’organisation d’une concertation pour des projets publics ou privés bénéficiant de financements publics au-delà d’un certain montant (L. 121-19). Mais il faudra passer par le filtre du préfet.
Il convient en outre d’éviter “tout doublon avec d’autres procédures de concertation existantes, telles que la procédure de concertation obligatoire du code de l’urbanisme”, indique le Ministère. D’où l’exclusion de ces nouvelles procédures des documents d’urbanisme mais également des plans de prévention des risques technologiques, des plans de gestion des risques inondations (PGRI), des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et des plans d’action pour le milieu marin.
A noter également, la création d’une procédure de “déclaration d’intention” pour les grands projets sous maîtrise d’ouvrage publique ou subventions publiques (L. 121-17), pouvant être suivie d’une concertation préalable. Pour l’avocat Arnaud Gossement, membre en qualité d’expert qualifié de la commission “Richard”, l’ordonnance “met en place des procédures qui se caractérisent par une certaine complexité. Ce qui n’encouragera pas à leur organisation”. Dans la pratique, la portée de ce texte devrait donc être “très limitée”, regrette-t-il.

 

Dématérialisation de l’enquête publique

La mesure la plus importante de ce projet d’ordonnance était la création d’une nouvelle procédure de consultation des électeurs sur des projets relevant de la compétence de l’Etat. Le gouvernement a cependant fait le choix de prévoir cette possibilité dans le cadre d’une autre ordonnance (n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement), soucieux d’en permettre une application rapide au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Le dernier volet de l’ordonnance concerne “la modernisation des procédures de participation en aval du processus décisionnel”. Le texte favorise en particulier l’accès à une version dématérialisée de l’avis et du dossier d’enquête publique, qui reste cependant consultable sur support papier. Cette dématérialisation concerne “aussi bien l’information que la participation du public”, relève le Ministère. Conséquemment, “les procédures s’en trouvent allégées, notamment par la réduction de certains délais : réduction à quinze jours d’enquête pour les projets non-soumis à évaluation environnementale”.
Le recours à une enquête publique unique pour des projets différents est également facilité (L. 123-6). Le texte crée une procédure de participation par voie électronique pour les plans, programmes et projets non soumis à enquête publique (L. 123-19). Enfin, l’ordonnance contient des dispositions intéressant la gouvernance de l’eau, à travers les comités de bassin. La procédure de participation du public à l’élaboration des Sdage est elle aussi dématérialisée. Il en est de même pour les plans de gestion des risques d’inondation (PGRI).

La publication de cette ordonnance devrait intervenir “cet été”, selon le Ministère de l’Environnement.

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