Compteurs Linky : la faible marge de manœuvre des autorités concédantes pointée du doigt

Alors que la polémique enfle sur le déploiement généralisé des compteurs intelligents de type Linky, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) s'est positionnée sur le terrain du droit pour apporter des éléments de réponse aux autorités concédantes et aux élus, en particulier en termes de responsabilité. 

Dans le cadre de la réflexion initiée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) relative au déploiement généralisé des compteurs intelligents de type Linky ou Gazpar, une note juridique très complète sur la question – commandée à un cabinet d’avocats – fait le point sous l’angle de l’étendue des droits, obligations et responsabilités impartis aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (Aode). Inquiétudes d’ordre sanitaire et craintes concernant le respect de la vie privée alimentent en effet la polémique autour du déploiement des compteurs communicants. Dans ce contexte, la FNCCR s’interroge en particulier sur la possibilité pour les Aode de voir leur responsabilité engagée. S’agissant d’une concession de service public, la société ERDF serait en principe responsable à titre principal, en sa qualité de concessionnaire, “des dommages résultant de l’existence ou du fonctionnement des installations de comptage Linky, et ce quand bien même elle n’aurait commis aucune faute dans l’exercice de ses missions”, indique le document.

 

Responsabilité pour faute

Autrement dit, si le fonctionnement des compteurs Linky compromettait la sécurité des personnes ou des biens, sa responsabilité “pourrait être recherchée pour manquement aux obligations lui incombant de par la loi (entendue au sens large) et le cahier des charges”. Toutefois, la note n’exclut pas la responsabilité de l’autorité concédante. Et ce dans deux hypothèses : en cas de faute de sa part ayant causé un dommage à un usager ou à un tiers et en cas d’insolvabilité du concessionnaire. Si l’Aode veille au strict respect de sa mission de contrôle, la note estime cependant “peu probable, au regard du faible risque que représente l’insolvabilité d’ERDF, que sa responsabilité soit mise en jeu en cas d’incendie ou de problèmes de santé provoqués par les compteurs Linky (…)”. Pour prévenir l’engagement de leur responsabilité, il est conseillé aux Aode de s’assurer notamment auprès d’ERDF “que les compteurs Linky respectent les prescriptions techniques et normes sécuritaires, en sollicitant les justificatifs et en invitant le GRD [gestionnaire de réseau de distribution] à effectuer les vérifications jugées nécessaires pour assurer la sécurité des biens et des personnes, le cas échéant”.

 

Les risques d’un refus

Quant à la marge de manœuvre dont disposeraient les clients finaux, les Aode ainsi que les maires pour s’opposer à la pose et à l’utilisation des compteurs Linky, elle paraît “fortement limitée”, indique la note, “eu égard à l’obligation légale d’ERDF” en la matière. Pour le client final, le risque est de voir sa responsabilité contractuelle engagée, voire de s’exposer à une coupure de son alimentation. La responsabilité de l’Aode pourrait être recherchée, outre au niveau contractuel, sur le terrain du plein contentieux. De son côté, le maire peut difficilement se prévaloir de son pouvoir de police générale pour s’opposer au déploiement des compteurs Linky sur le territoire de sa commune. C’est à l’Etat qu’il incombe de déterminer les référentiels de sécurité applicables. Il s’agit donc “d’une police spéciale qui n’en porte pas (encore) le nom”, excluant en principe l’intervention de l’autorité de police administrative générale. Tout au plus, “les circonstances ne justifieraient que de l’adoption de mesures de sécurité moins contraignantes que l’interdiction pure et simple de poser les compteurs”, indique la note.

 

Pas d’applicabilité du principe de précaution

Pas plus de succès du côté du principe de précaution. Le refus du maire d’installer de tels compteurs “par simple précaution serait susceptible de relever d’un usage irrégulier de ce pouvoir”. Et l’invocation du principe de précaution – consacré à l’article 5 de la Charte de l’environnement – devant le juge administratif ou constitutionnel, fortement contrainte par un champ limité, aurait “peu de chance de prospérer”. “Sous réserve d’études étayées et concordantes contraires, aucun élément circonstancié ne serait de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque, même incertain, d’incendie ou de troubles de santé dus aux rayonnements électromagnétiques résultant des installations de comptage Linky”, conclut la note. Seul le risque d’atteinte à la vie privée lié aux systèmes de comptage évolués a très tôt été relevé, justifiant l’adoption d’un dispositif réglementaire visant à encadrer la communication des données personnelles et assurer leur confidentialité. Mais au demeurant, la démarche sécuritaire engagée par la FNCCR tendant à mandater un bureau d’études pour procéder à l’évaluation des risques d’incendie ou de troubles de santé liés aux rayonnements électromagnétiques “ne pourrait être critiquée”. Enfin, l’action d’un requérant qui souhaiterait invoquer le principe de précaution devant le juge judiciaire pour établir un trouble anormal de voisinage n’aurait là encore “que peu de chance d’aboutir”. Une analyse approfondie conduit à exclure la transposition de la jurisprudence relative à l’implantation des antennes-relais.

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