Le groupe de suivi du Sénat sur le Brexit s’est alarmé le 16 janvier des conséquences du vote négatif du Parlement britannique sur le projet d’accord de retrait du Royaume-Uni de l’UE. Dans la foulée les sénateurs ont adopté le 17 janvier le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au Brexit. Ces ordonnances sont en cours d’examen par le Conseil d’État. “Elles permettront en particulier d’accélérer les procédures d’aménagement” d’espaces dédiés aux “contrôles douaniers et sanitaires qui n’étaient pas nécessaires pour les trafics avec le Royaume-Uni dans le cadre de l’Union européenne”, a expliqué aux sénateurs la ministre Elisabeth Borne le 15 janvier.
Des mesures dérogatoires à divers droits sont prévues. La consultation publique à ce sujet, ouverte par le ministère de la Transition écologique et qui vient de se terminer, a été menée avec une relative discrétion. Notamment sur le projet d’ordonnance et de décret portant ces mesures dérogatoires permettant de réaliser les aménagements évoqués pour les contrôles à la frontière. On y comprend que tout l’arsenal législatif encadrant la construction et l’aménagement – urbanisme, environnement, commande publique, patrimoine – ferait les frais du retrait britannique de l’Union européenne. A fortiori en cas de sortie sèche au 30 mars prochain.
Trouver la place et les moyens pour effectuer les contrôles douaniers
Car sans accord, pas de période de transition : l’hypothèse d’un “Brexit dur” précipiterait d’autant le besoin d’infrastructures pour s’adapter à la nouvelle donne. Or, rien n’a été anticipé ou presque. Le retrait du Royaume-Uni entraînera un rétablissement des contrôles vétérinaires, phytosanitaires et de sûreté ainsi que des formalités douanières. Des parkings, hangars, bâtiments doivent donc être mis en place de toute urgence pour accueillir de nouveaux contrôles des personnes et gérer les flux des marchandises. Dans le Calaisis, il est par exemple question d’aménager une zone de plus de 45 hectares dans laquelle aura lieu le contrôle du trafic des camions. Il s’agira d’une sorte de nouvelle douane qui va s’installer à 15 kilomètres des côtes. Pour le seul port de Dunkerque (voir photo), les investissements à réaliser sont évalués à 25 millions d’euros. D’autres ports comme Dieppe ou Calais vont devoir s’adapter. Le manque de moyens financiers est pointé.
Un vaste champ du droit impacté
La consultation organisée en catimini jusqu’au 16 janvier s’est muée en diatribe dirigée contre le régime dérogatoire prévu par ces deux projets de texte pour permettre une mise à niveau rapide des aménagements et infrastructures routières, portuaires, ferroviaires, mais également dans une moindre mesure, aéroportuaires, rendus nécessaires par le Brexit. Ces adaptations couvrent un vaste champ du droit, dont le ministère fournit un vague aperçu : “Règles d’urbanisme, de préservation du patrimoine, de voirie et de transports, de commande publique, de participation du public et d’environnement et de contrôles sanitaires et phytosanitaires déportés.” “Le cumul des procédures et des passages dans différentes instances conduirait à un délai d’instruction avant le démarrage des travaux qui ne permettra pas d’agir rapidement pour réaliser les aménagements nécessaires pour atténuer de façon satisfaisante les effets liés à un retrait sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne”, justifie l’étude d’impact accompagnant le projet de loi.
Du provisoire qui pourrait durer
Face à l’urgence des travaux, le gouvernement oppose ainsi à la sédimentation des procédures multiples, “des procédures simplifiées et temporaires”, de façon à “accélérer l’examen des dossiers et l’attribution des autorisations nécessaires”. À commencer, par la mise en place d’un “régime d’autorisation ad hoc”, en lieu et place de l’autorisation environnementale prévue aux articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, dont seuls les sites naturels classés seront exclus.
Le caractère temporaire de ces aménagements – associés à une “durée maximale de deux ans – est par ailleurs mis en avant pour les dispenser de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. À l’issue de leur période d’utilisation – et au plus tard à l’expiration d’une durée de deux ans -, les lieux les ayant accueillis devront ainsi être “remis en état” ou régularisés “dans les conditions de droit commun prévues par le code de l’urbanisme”, c’est-à-dire une fois absorbé le choc du Brexit. En clair, si l’habilitation est temporaire, les mesures prises pourraient quant à elles produire des effets pérennes.
Photo : crédit Grand Port maritime de Dunkerque